Mort à vie, Cédric Cham

Publié le par Pascal K.

Mort à vie
Cédric Cham

Éditions Jigal / 2020
320 pages

Cédric Cham, avec son titre « Broyé » (2019), nous amenait au bout de son intrigue avec un style bestial, cash et plutôt rude, en mettant en scène des personnages à ramasser à la petite cuiller. Je me souviens avoir été bouleversé. Les œuvres de cet auteur se façonnent autour des personnages et j’apprécie énormément cela.

Ici, même sentiment. L’écriture claque comme une porte de prison qui se referme juste devant ton nez. En cellule, justement, nous y serons avec Lukas, un homme qui n’a pourtant commis aucune faute, excepté le fait d’avoir couvert son frère. Payer à la place d’un autre, par amour ou par culpabilité, cela en vaut-il la peine ? Est-ce juste ? Était-ce vraiment un choix ?

La construction de ce récit est intéressante. D’une part, nous gardons toujours un œil, au gré des chapitres, sur le frère « en liberté » et, d’autre part, nous sommes avec Lukas, en taule, au plus près de son intimité, partageant son manque cruel de liberté. Cette partie-là, entre quatre murs, étouffe et dégage une atmosphère complètement méphitique.

Être envoyé en prison est déjà une peine ; s’y réveiller chaque matin en est une de plus. Cette froideur qui émane de ce bouquin te gèle les doigts à chaque page tournée et ce manque d’espoir t’asphyxie toujours davantage.

L’auteur tourne les projecteurs vers ces deux frères, l’un en liberté, l’autre enfermé, mais tous deux prisonniers de leur destin, captifs de leur propre prison. La liberté est un sentiment très relatif et elle n’est parfois qu’une illusion. Finalement, c’est un peu à nous de la cultiver, sinon nous devenons parfois notre propre geôlier, sans même nous en rendre compte.

La prison façonne un homme, à grands coups de machette. L’auteur démontre ici à quel point le mental peut nous jouer des tours. Je ne porte aucun jugement mais, il faut l’admettre, on ne ressort pas forcément meilleur de certaines prisons. La peur, la violence, la souffrance et la haine sont très souvent tes seuls compagnons d’infortune. Après, c’est vrai, il faut peut-être y penser avant.

Entre un homme qui s’enfonce, qui se défonce, et un autre, déshumanisé par la taule, qui compte les jours qui le séparent de la vie qui aurait dû normalement être la sienne, l’auteur place une grande brèche que nos deux frères continueront d’approfondir, l’un par pure bêtise, l’autre un peu à ses dépens. Le bilan semble être sans grande perspective. 

L’amour, la haine, la culpabilité ou encore la cupidité seront certainement les excavateurs de ce profond fossé dans lequel, finalement, tout le monde risque de tomber.

On choisit sa vie - quoi que … -, mais pas forcément son destin. Les paramètres qui le définissent sont bien trop nombreux, à commencer par soi-même.

Bonne lecture.

 

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